Sa décision était prise. Il fallait qu'elle y aille. Quelque soient les risques. Et elle savait qu'il y en avait. Beaucoup trop. Mais sa curiosité était bien plus forte, sa soif d'apprendre la perdrait.

L'après-midi, après les cours, elle avait reçu un mot. Posé, là, sur son lit, comme s'il n'attendait qu'elle. Un message étrange. Une écriture qu'elle ne connaissait pas. Son esprit s'était aussitôt éveillé, placé sur la défensive. Et elle avait bien fait. Ce mot était un rendez-vous. Tard, dans la nuit. Elle ne savait pas avec qui, le mot n'était pas signé. En tout cas, l'auteur de ce message voulait la voir, dans le Parc, près du Lac. Il ne disait pas pourquoi. Et cela inquiétait Gwen. Elle l'avait d'abord jeté dans la cheminée de la Salle Commune, décidant de ne pas y aller, c'était stupide. Mais durant les heures qui avaient suivi, les quelques mots griffonnés sur le parchemin l'avaient hantée.

C'était donc comme cela, qu'elle se retrouvait tard le soir, au bord du Lac, attendant son rendez-vous, plus anxieuse que jamais. Elle ne savait pas quoi faire. Cela faisait maintenant dis bonnes minutes qu'elle attendait. Ce devait être une farce, et demain toute l'école serait au courant. Et elle serait à nouveau ridicule devant tout le monde. C'était toujours comme ça. Toujours. Elle priait pour que l'auteur du message apparaisse. Pour ne pas avoir à supporter de nouvelles moqueries durant plusieurs semaines, parce qu'elle serait l'imbécile qui a cru qu'on s'intéressait à elle.

Elle priait toujours, quand elle entendit un bruit étrange. Elle se retourna vivement, la main crispée sur sa baguette par réflexe. On peut dire qu'elle s'attendait à tout, sauf à ça. Il n'y avait rien. Elle baissa les yeux, et alors son cœur fit un bond dans sa poitrine. Un serpent, noir, long d'au moins de mètres rampait dans sa direction. Son sifflement était maintenant perceptible. Il se rapprochait d'elle. Gwen n'hésita pas. Elle se mit à courir aussi vite qu'elle pouvait, loin du serpent. L'air était glacial, mais elle s'en moquait. Elle avait les cheveux dans les yeux, si bien qu'elle ne voyait plus où elle allait, mais tant pis, il fallait s'éloigner du reptile. Elle baissa la tête, tout en continuant de courir, pour coincer ses cheveux derrière ses oreilles.

Et elle trébucha. Prise dans son élan, elle roula à terre sur plusieurs mètres. Étendue sur le dos, le souffle coupé, elle resta là à regarder le ciel. Elle était dans la forêt. Pas n'importe quelle forêt. La Forêt Interdite. Il fallait qu'elle parte. Elle se releva, et s'épousseta. Elle poussa un petit gémissement en découvrant les innombrables égratignures qui recouvraient les parties visibles de son corps. Son jean était déchiré et plein de terre. Elle porta la main à son visage pour essuyer sa sueur, mais quand elle ramena sa main, elle vit que c'était du sang, mêlé à de la terre. Elle marcha quelques mètres, en boitant, pour retourner au château mais elle se rendit vite à l'évidence, elle était perdue.

Un craquement de brindille dans son dos la fit se retourner vivement. Il n'y avait à nouveau rien, et elle baissa tout de suite les yeux au sol pour guetter le serpent. Qui n'était pas là. Autre craquement. Comme si quelqu'un tournait autour d'elle, dans la pénombre. Invisible. Elle commença à prendre peur, et se remit à marcher. Peut importe où elle allait, rien ne pouvait être pire que de ne rien faire.

Elle boitait toujours quand elle entendit à nouveau un bruit. Comme des paroles. Instinctivement, elle s'arrêta, pour écouter pleinement le fond sonore. Oui. Il y avait quelqu'un. Cette personne pouvait l'aider! A moins que ce ne soit un monstre, et qu'il ne la tue. Tant pis. Elle s'approcha de l'endroit d'où provenait le bruit, et vit une forme se détacher de la pénombre. Humaine. Elle poussa un soupir de soulagement, et s'avança vers l'homme.

-S'il vous plait! Aidez-moi, je suis perdue, et visiblement blessée...

Sa voix se voulait assurée, mais elle n'avait pu sortir qu'un petit gémissement. Elle s'approcha encore. Oh non. Elle se raidit.

Cet homme était bien la dernière personne qu'elle voulait voir. Malheur quand tu nous tiens...

Gorwedd NewDawn.

Si elle s'était figée, lui ne semblait rien avoir remarqué. Il s'était approché d'elle, sortant des buissons dans lesquels il était fourré. Il semblait... Oh, elle ne savait pas! Elle s'en moquait après tout! Cet homme était un Mangemort! Il était abominable. Ce qu'il faisait, et ce qu'il ressentait indifférait à Gwen, puisque de toute manière, leurs liens se limiteraient à cette rencontre. Voire même à cette phrase qu'elle avait dite.

Sauf que lui, il ne semblait pas l'entendre de cette oreille.

« J’vois bien que vous êtes blessée ! Voulez vous que je vous soigne ? Je connais les bases en médicomagie. Mais…

Comment ça? Il voulait l'aider? Mais c'était un Mangemort! Normalement, il ne devrait pas se comporter de cette manière. Il devrait se moquer, ou bien la blesser encore plus, ou la faire souffrir, ou même l'ignorer! Mais pas l'aider... Gwen était perdue. Et pour rajouter à son incompréhension, le visage de l'homme était tout sauf menaçant. Si elle ne savait pas qui il était, du moins CE qu'il était, elle pourrait lui parler comme à n'importe qui. Sans crainte, ni méfiance. Il semblait... normal. Mais qu'est-ce que la normalité après tout?

Après avoir formulé cette pensée, elle leva les yeux vers lui, et vit brusquement une lueur illuminer le regard du Mangemort. Une lueur de joie ou d'espoir. Elle n'avait jamais réussi à différencier les deux. Ce devait être parce qu'elle ne possédait ni l'un ni l'autre. Sans qu'elle comprenne réellement ce qu'il se passait, Gorwedd NewDawn s'était un peu baissé afin d'être à la hauteur de la jeune fille, et avait pris sa main. Il passa lentement sa baguette sur la plaie qui la recouvrait, sans que Gwen sache réellement ce qu'il faisait, ne ressentant aucune amélioration, aucune douleur en plus.

Puis, il lui posa une question. D'une voix douce, étrange, qui ne ressemblait pas au personnage qu'il était censé être. Une voix qui correspondait à quelqu'un de... gentil, pour ainsi dire. Pas comme le « méchant » qu'il était. Il avait très certainement déjà tué à de nombreuses reprises, il devrait être un être sanguinaire, sans foi ni loi. Sans pitié, qui n'accorde aucun intérêt à ce qui l'entoure. Et pourtant ce qu'elle avait sous les yeux ne correspondait en rien à tout cela.

« Pourquoi me craignez vous ?

Pourquoi? C'est vrai qu'au vu de son comportement on pouvait se poser des questions... Mais, on ne pouvait changer la nature d'un être vivant... S'il était mauvais, il le restera. A moins que Gorwedd NewDawn ne soit pas réellement du côté obscur... Réflexion stupide. C'est un Mangemort, se força-t-elle à se rappeler. Et pourtant... Cette petite voix dans sa tête lui soufflait que c'était peut-être vrai. Peut-être que cet homme était bon...

- Je pense que c'est parce que vous êtes un Mangemort que je suis tendue. Mais ne vous faîtes pas de fausses idées, je n'ai pas peur de vous.

Puis, elle retira sa main de celle de l'homme, qui la tenait toujours. Trop vite, trop brusquement. Le contact avait été trop long. Elle ne pouvait plus le supporter. Elle ne le connaissait pas. Il n'avait pas à la toucher. Mais il allait penser que c'était parce qu'elle avait peur...

-Pardonnez-moi, mais je n'aime pas le contact.

Sa voix qu'elle voulait sèche pour abréger la discussion était étrangement chaleureuse, comme si son corps voulait rester. Elle ne pouvait le tolérer. Mais la fatigue était là. Les blessures aussi d'ailleurs, et elle ne se sentait pas capable de retourner au château tout de suite. De toute manière, elle ne savait pas où elle était. Elle était perdue. Sur tous les plans.

Elle jeta un coup d'œil aux alentours, mais il n'y avait personne. Se souvenant d'un coup de la raison pour laquelle elle se trouvait dans cette forêt, elle regarda vivement au sol, s'écartant un peu de l'endroit où elle était prostrée, et ne vit rien non plus. Au moins, c'était une bonne nouvelle... Elle avait un Mangemort en face d'elle et elle parlait de bonne nouvelle. Décidément, elle n'allait pas bien.

-Et vous pourquoi êtes-vous gentil? Cela ne correspond pas à votre... statut. Rajouta-t-elle avec une pointe de dégoût en prononçant le dernier mot.

Elle plongea son regard d'un vert absolu dans celui de l'homme en face d'elle. Au pire, un petit Avada Kedavra et tout sera fini. Tout.

Il semblerait qu'elle soit encore vivante. Donc il ne prenait pas mal sa question. Il souriait même. Il n'avait pas l'air méchant, menaçant. Il semblait très ouvert, comme si elle était une amie, et qu'il n'y avait aucune raison pour qu'ils ne puissent pas rester là, ensemble. Il n'essayait pas le moins du monde de la retenir, il la laissait même s'éloigner. Elle pouvait partir, si elle le voulait... Quoique. Il la rattraperait sûrement.

Et là, il s'assit. Au pied d'un arbre, comme si tout était normal. Et il se mit à parler.

« Pourquoi suis-je gentil ? Je ne sais pas si c’est une bonne question… Je pense que tu devrais plutôt me demander pourquoi je suis si… froid en temps normal… Veux tu que je te raconte une histoire… Je… je te raccompagnerai à Poudlard après… »

Juste après cela, il laissa échapper ce qui ressemblait à un rire. Nerveux. Il semblait désespéré. Dans ce petit rire apparaissait tout ce qu'il ressentait. Il avait des problèmes. La nature altruiste de Gwen ressortit aussitôt et elle ne put s'empêcher de vouloir le consoler. Le soutenir, lui montrer que la vie n'est pas finie. Même s'ils ne se connaissent pas. Pour l'instant tout ce qu'elle pouvait faire pour lui, c'était l'écouter. Le laisser parler, et déballer ce qu'il a sur le cœur. Elle acquiesça, et s'assit à côté de lui, proche de lui. Ils se touchaient presque. Presque. Il ne semblait rien remarquer. Il était déjà en train de parler.

« C’était il y a sept ans… Un homme. Qui avait combattu, je crois, aux côtés d’Harry Potter et de l’Ordre du Phénix. Cet homme s’était réveillé, sans aucuns souvenirs à Sainte Mangouste, sans identité, ni passé. Sans même savoir ce qu’il faisait à l’hôpital. Des Sorciers sont venus voir cet homme qui se savait sorcier. Ils lui ont tout offert : une identité, un métier, de l’argent, des habits… une vie. Et en échange de menus services, ces hommes lui ont promis de tout faire pour l’aider à retrouver qui il était. Que voulais tu que fasse cet homme qui n’avait désormais qu’un but : connaître son passé ? Il a dit oui, ne sachant pas les horreurs qu’avaient commis les hommes pourtant si amicaux. Il ne savait pas qu’il allait devenir l’esclave de ces hommes, à commettre des atrocités pour avoir des miettes de son identité… »

Il ne lui parlait même pas. Elle avait plutôt l'impression qu'il se parlait à lui-même. Ce qu'il disait cependant était lourd de sens. Il avait dit que c'était une histoire. C'est son histoire. Les larmes vinrent aux yeux de Gwen. Comment pouvait-il vivre cela? C''était non seulement une situation affreuse, mais de plus, qu'espérait-il? Les Mangemorts et Voldemort ne lui avoueront jamais qui il était. Il sera à leur service à jamais. C'était trop injuste.

« Je pense que j’étais à Poufsouffle. La maison des justes. Des loyaux. »

C'était peut-être pour cela qu'il lui parlait, à elle. Parce qu'elle est une Poufsouffle. Gwen ne pouvait s'empêcher de penser que s'il était effectivement à Poudlard, il aurait été de la maison or et noir. Alors que les Mangemorts sont des Serpentards. Il ne pouvait pas réellement en être un. Il était trop gentil, trop aimable. Il n'avait pas le cœur à cette affreuse « occupation ». Ce ne pouvait être qu'une erreur.

« Suis-je un monstre ? »

A ces mots, il se tourna vers elle et la regarda droit dans les yeux. Sauf que ceux de la jeune fille était plein de larmes. Elle baissa alors les yeux et ne sut que répondre. Alors... Alors elle enlaça brusquement l'homme. Tant pis pour le contact. Elle le serra contre elle, posant sa tête au niveau de son cœur. Fermant très fort les yeux pour empêcher les larmes de couler.

- Non, je ne pense pas que vous soyez un monstre. Vous êtes un homme bien, j'en suis certaine.

Elle desserra un peu son étreinte, pour lui montrer qu'elle avait confiance en lui et ouvrit les yeux.

- Vous voyez, je n'ai pas peur de vous, pourtant vous êtes censé être un Mangemort. Je ne le crois pas. Vous n'en êtes pas un vrai. Au fond de vous, vous êtes ce jeune homme qui veut le bien. Ce jeune homme qui était à Poufsouffle et qui a combattu pour le triomphe du bien. Et c'est cela qui compte.

Elle se redressa et prit sa main. Elle la plaça sur le cœur de l'homme.

- Vous cherchez qui vous êtes? Écoutez, sentez votre cœur battre. Voilà. C'est ça. Vous êtes cela. Ce rythme un peu lent, calme. Tout est là-dedans. Quand vous allez mal, posez cette main sur votre cœur. Et écoutez, sentez... Tout viendra. Les idées, le calme, le repos. Tout ce dont on a besoin est là. Nous avons les clés de notre vie ici.

Gwen leva les yeux vers lui. Tout en gardant sa main sur la sienne. Elle la serra un peu. Une brève pression, pour lui montrer qu'elle était là pour lui.

A ses paroles, il eut un petit rire, teinté de tristesse. Il était vrai que ce que Gwen avait dit pouvait sembler étrange, impossible. Stupide même. Mais, elle, c'était cela qui l'aidait. Les jours où elle ne savait plus ce qu'elle faisait là, où plus rien n'avait de sens, elle posait sa main sur son cœur. Il avait toujours battu un peu plus vite que la normale, mais ce rythme quelque peu accéléré la berçait. Certes, tout ne lui semblait pas plus clair, et ne lui apportait pas toutes les réponses qu'elle désirait, mais cela lui permettait de réfléchir calmement et de se poser les bonnes questions. C'est ce qui doit manquer à Gorwedd NewDawn. Les bonnes questions.

« C’est étrange de se dire qu’on a passé sept ans de sa vie dans le noir le plus total, à faire une confiance presque absolue à des Médicomages qui vous disaient que retrouver la mémoire relèverait de miracle, et de voir ces certitudes ébranlées par deux rencontres, avec deux jeunes femmes. Le pire, c’est que je sais que vous avez raison. Peut être devrais-je me sentir humilié d’apprendre autant sur moi par l’intermédiaire d’une élève de Poudlard, mais je n’arrive pas à me sentir ne serait ce que vexé.

Il se releva, et aida Gwen à le faire à son tour. Un changement semblait s'être opéré en lui, il semblait plus sûr de lui.

« Je devrais peut être vous ramener à Poudlard… Même si je ne me souviens pas vraiment de ma scolarité, il n’a jamais été courant dans un internat, de permettre aux élèves de sortir de nuit dans une forêt, forêt nommée Forêt Interdite en plus ! Je... je vais suivre votre conseil et... s'il vous plaît, n'en parlez à personne.

Ce n'était pas faux. Elle n'avait pas le droit d'être ici, surtout la nuit. Quant à en parler, pourquoi le ferait-elle? Et à qui? Liz peut-être, mais elle ne comprendrait pas forcément, et de plus, cela ne regardait que Gorwedd et elle.

- Très bien. Je vous promets que je n'en parlerai à personne.

Elle commença à marcher avant de se rendre compte qu'elle n'avait aucune idée de la direction à emprunter. Elle se rangea donc à côté de l'homme qui l'accompagnait. Cependant, quelque chose la titillait.

- Vous savez, les Médicomages sont au service de Voldemort, vous ne devez pas compter sur eux pour découvrir qui vous êtes réellement. Tout le monde sait cela de nos jours. Nous ne pouvons plus compter sur ceux qui étaient de notre côté auparavant. Le Ministère, l'hôpital, tout a été renversé. Nous ne sommes plus en sécurité qu'ici, et les gens comme vous, qui ont tout perdu, sont des proies faciles. Ne vous faites plus avoir.

Elle ne parlait pas très fort, comme si elle se parlait à elle-même. Il devait être au courant. Il n''arriverait jamais à découvrir la vérité sur lui-même, s'il continuait à faire confiance aux Médicomages et au Ministère.

- Je ne sais pas qui est l'autre jeune femme dont vous avez parlé, mais si elle peut vous apprendre quelque chose sur vous, je vous conseille de la revoir. Je ne vous connaissais pas avant, je ne peux pas vous apprendre autre chose sur vous, que ce que vous êtes dans le fond. Votre identité, votre famille, tout ça, je pense que je ne peux rien faire pour vous. A moins que...

S'il était à Poudlard, il devrait rester des traces de lui, ici. Une photo, un nom. A la Bibliothèque il devrait y avoir quelque chose! Elle pouvait peut-être l'aider un peu! Mais peut-être que l'autre jeune femme lui avait donné un renseignement déjà, une bribe... Si seulement elle pouvait lui parler...

- Qui est l'autre personne au courant?