Kurt était allé à la bibliothèque tout de suite après les cours. Comme d'habitude, personne n'avait remarqué sa venue... il faut dire qu'il n'y avait pas grand monde. Quelques élèves travaillaient en groupe sur les tables prévues à cet effet. D'autres cherchaient LE livre qu'il leur fallait en longeant les rayons. Certains encore, affalés sur les canapés étaient absorbés par la lecture de leur livre. Kurt lui n'avait pas hésité une seconde, il avait filé directement dans sa "cachette" habituelle. Idéalement placé dans le rayon des romans policiers loin de tout, à l'abri de la lumière et des voix des autres élèves. Ainsi assit personne ne pouvait le voir.

Il aime être entouré de livres ou plutôt de savoir, cela le rassure... il se sent protégé. Et pour ça, la bibliothèque est l'endroit idéal.
Il avait finit les cours vers 17 heures et le court trajet qu'il se séparait de la bibliothèque s'était déroulé sans accroche, il était donc arrivé vers 17 heures 15. Actuellement il ne savait pas du tout qu'elle heure il était, quelques heures s'étaient déjà écoulées depuis son arrivée. Il avait vu plusieurs groupes d'élèves sortir, et cela depuis longtemps. Il y avait de fortes chances pour qu'il soit seul ou presque dans la bibliothèque.

Il était plongé dans une enquête policière au dénouement compliqué quand il entendit un bruit. Tout d'abord il ne s'en occupa pas mais quand le bruit recommença il leva la tête. C'était un bruit de pas, peut-être la bibliothécaire qui venait lui dire que c'était l'heure de la fermeture...

Lorsque la cloche sonna, annonçant la fin du cours de Métamorphose, Lizzie sursauta. Quoi ? Déjà la fin de la journée ? Après un détour par les cuisines de l'Ecole, la Serdaigle alla jusqu'à la bibliothèque. Elle souhaitait prendre de l'avance dans ses devoirs. D'ailleurs, elle avait deux parchemins à rédiger sur les Sombrals, pour son cours de Soins aux Créatures Magiques. Certes ce travail est à rendre pour dans dix jours, mais cela n'empêche pas la Bleue de repousser à plus tard son travail.

Ainsi, connaissant chaque recoin de la bibliothèque, elle se dirigea tout naturellement vers l'étagère correspondante. Elle se servit, apportant quatre livres jusqu'à une petite table de travail où elle s'installa. Il lui fallut une heure pour sélectionner l'ensemble des informations dont elle avait besoin pour son travail de recherche. Puis, en trois-quarts d'heure, elle réalisa sa rédaction, dépassant "légèrement" la limite demandée, d'une page supplémentaire. Satisfaite, après une dernière relecture, elle roula ses parchemins puis les rangea dans son sac en bandoulière, puis elle rangea les bouquins.

A l'aise dans l'endroit qu'elle se plaisait à surnommer "sa deuxième maison" à Poudlard, elle flâna dans les différents rayonnages. Ses doigts parcouraient inconsciemment les vieilles couvertures des grimoires, tandis que ses yeux se perdaient sur les quelques élèves présents. Ses pas la menèrent alors jusqu'à un recoin où elle n'allait que peu : le rayon romans policiers. Malgré cela, elle accéléra le pas, elle savait aussi qu'un de ses amis appréciait tout particulièrement cet endroit. Bien souvent, elle l'avait trouvé caché, se délectant de ses lectures favorites. Non sans étonnement, elle le trouva là, lisant un roman.

Elle s'adossa à l'étagère, les bras croisés. Nonchalante. Aujourd'hui elle n'avait pas eut l'occasion de discuter avec Kurt. Certes, ils s'étaient aperçus au petit-déjeuner, dans la Grande Salle, mais Lizzie ne parvient pas à parler de si bon matin. Que quelqu'un lui adresse la parole alors qu'elle en est à l'étape "bol de céréales", et c'est parti pour une longue journée de mauvaise humeur et de remarques acerbes, gratuites évidemment.

- Hey ! Kurt ! Encore dans tes bouquins d'enquêtes et de meurtres sanglants ?

Elle lui offrit un petit sourire.

- Tu lis quoi ? Combien de pages t'a-t-il fallut pour deviner qui est l'assassin cette fois ?

L'endroit étant douillet et propice à la conversation du à son excentration, elle se rapprocha et vint s'installer plus près de Kurt, à même le sol, en tailleur. Les fois où elle se montre si détendue et en confiance sont aussi rares que les personnes avec qui elle s'autorise tant de familiarité.

Kurt est attentif à tous les bruits qui l'entoure, qu'il soit en train de lire, de dessiner ou même d'écouter de la musique il garde toujours une oreille en alerte. Bien souvent cela ne lui sert à rien mais quelques fois cette attention aux bruits extérieurs lui avait permit d'éviter certaines situation désagréables.

Cette fois-ci quand il entendit les bruits de pas se rapprocher il avait tout de suite pensé à la bibliothécaire, il était près à se lever d'un bond et partir vers le fond du rayon pour ensuite prendre la porte sans que personne ne s'en rende compte. Mais cette fois-ci ce ne fut pas la bibliothécaire qui se présenta devant lui mais Lizzie, oui la Lizzie de la maison Serdaigle, sa maison à lui aussi. A peine avait-elle fait irruption au bout du rayon que Kurt se détendit, il ne sait pas si il aurait eu le courage encore une fois de partir en courant. Il était donc bien heureux que ce soit Lizzie qui se dressait là devant lui.

- Hey ! Kurt ! Encore dans tes bouquins d'enquêtes et de meurtres sanglants ? Lui lança-t-elle, le sourire aux lèvres.

- Tu lis quoi ? Combien de pages t'a-t-il fallut pour deviner qui est l'assassin cette fois ?

Après cette deuxième question Lizzie vint s'asseoir à coté de Kurt. Ce dernier savait qu'il était un privilégié, Lizzie ne faisait pas preuve de familiarité envers tout le monde. Pour cela et pour plein d'autres choses encore Kurt appréciait sa compagnie. Ils avaient certains centres d’intérêt en commun, ce qui assurait de longues heures de conversation.

-Je lis... Le guerrier solitaire, d'Henning Mankell. Il avait dut retourner le livre pour donner le titre, il les lit tellement vite qu'il a parfois du mal à se rappeler du titre de celui qu'il est en train de lire.

-On sait qui est l'assassin presque dès le début, ce qui est intéressant c'est de suivre la police alors qu'elle essaye de le démasquer alors que toi tu sais qui est le coupable. Mais c'est vrai qu'un gamin qui massacre des gens à coup de hache c'est assez invraisemblable comme histoire... Il posa le livre à coté de lui.

-Et toi, que venais-tu faire à la bibliothèque ce soir ? Lui demanda-t-il.

Lizzie écoutait avec un petit sourire le descriptif que donnait Kurt du roman qu'il lisait. Elle n'arrivait pas à comprendre qu'on puisse lire ce genre de bouquin. Elle avait essayé une fois. Un roman de Thomas Harris dont le titre restait gravé dans sa mémoire : Hannibal. Elle en avait encore froid dans le dos. Son imagination trop fertile avait finie de l'achever. Ses heures de sommeil s'étaient considérablement raccourcies en conséquence de sa lecture sombre. Quelques chapitres plus tard, elle avait abandonné.

Et voilà que Kurt parlait de "hache", de "gamin" et de"massacre" avec un ton mi-insensible, mi-laconique. Ca lui paraissait insensé. Mais ce qui lui déplaisait le plus dans ses livres, c'est que si des écrivains pensaient à écrire ce genre de choses, c'est qu'ils ont bien du pécher leurs inspirations dans des faits divers...

-Et toi, que venais-tu faire à la bibliothèque ce soir ?

Lizzie accueillit ce changement de sujet avec plaisir.

- Tu me connais, dès qu'on a des parchemins à noircir pour les cours, je me précipite dessus pour en être débarrassée et certaine de ne pas les oublier.

Elle s'étira comme un chat. Elle se sentait d'humeur roublarde, c'est pourquoi elle ajouta sur le ton de la confidence :

- Mais j'avais le désir brûlant de te voir...

Lizzie se mit à genoux, se pencha en avant et posa ses paumes au sol. Elle se mordit la lèvre inférieure, et, le regard pétillant elle le fixait droit dans les yeux. Quiconque verrait cette scène penserait à deux tourtereaux qui s'amusent à se chauffer l'un et l'autre, pour faire monter la pression, le désir et la passion... Mais c'était loin d'être le cas ici.

- Si tu vois ce que je veux dire... continua-t-elle avec un air coquin parfaitement étudié.

Elle lui fit un clin d'oeil et éclata de rire. Ca lui faisait du bien de pouvoir se lâcher un peu tout en étant certaine de ne pas choquer la personne en face d'elle.

Lizzie était une bonne élève et le fait qu'elle vienne si tard à la bibliothèque pour faire son travail ne le surpris pas le moins du monde. Il faut dire qu'il était un peu pareil, il aimait bien être débarrassé le plus tôt possible de ses obligations pour pouvoir d'adonner à son loisir préféré : la lecture.
Kurt fut encore moins surpris quand la jeune Serdaigle lui chuchota qu'elle avait le désir brûlant de le voir tout en se penchant vers lui.

- Si tu vois ce que je veux dire... ajouta-t-elle d'un air malicieux dont elle a le secret.

En effet, Kurt savait exactement ce que cela signifiait, elle se détendait. Ce qui est parfois très compliqué ces temps-ci.
Au début Kurt avait eu du mal quand il avait rencontré Lizzie. De nature malheureusement beaucoup trop naïf, Kurt avait mis beaucoup de temps à discerner le vrai du faux dans ce que Lizzie faisait ou disait. Maintenant il sait faire la différence, et Lizzie l'a bien compris : C'est tellement bien de pouvoir se relaxer un peu en étant sûr que la personne en face ne va pas être scandalisée.

Lorsque Lizzie éclata de rire, Kurt ne pu s'empêcher de rire à son tour, et d'ailleurs... pourquoi se priverait-il de rire ?

Et d'ailleurs... Tu as déjà essayé de faire du théâtre ? Tu as beaucoup de talent tu sais. Demanda Kurt alors qu'ils venaient tout juste d'arrêter de rire.

La bibliothèque était vide, vide de tout bruit et à priori de toute forme de vie, excepté eux bien sûr. Il faisait maintenant très sombre, comme si le soleil avait soudainement laissé place à la nuit noire. Il est vrai que le temps passe trop vite quand on s'amuse...

Tous les deux riaient de bon coeur. En ces temps sombres, où des massacres de plus ou moins grandes importances se succédaient, cela avait un aspect libérateur. Elle se réinstalla à genoux pour être plus confortable qu'elle ne l'était à quatre pattes... Surtout que si la vieille bibliothécaire se pointait, à tous les coups, elle allait coller les deux jeunes Serdaigles ! Et hors de question de se ramasser une colle dans son dossier impeccable, et hors de question de passer une soirée avec Rusard... Elle imaginait déjà le pire !

Leurs éclats de rire se tarirent et Kurt reprit la parole :

Et d'ailleurs... Tu as déjà essayé de faire du théâtre ? Tu as beaucoup de talent tu sais.

Lizzie arrondie les yeux. C'était bien la première fois qu'une personne autre que sa famille lui disait ça. Un éclat de malice traversa son regard. Elle bondit sur ses pieds, et, d'une voix puissante entama quelques fameuses répliques du monologue d'Harpagon, extrait de l'Avare de Molière.

- Au voleur ! Au voleur ! A l'assassin ! Au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné, on m’a coupé la gorge, on m’a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N’est-il point là ? N’est-il point ici ? Qui est-ce ?

Comme dans la pièce de théâtre qu'elle avait vu au cours de l'été avec ses parents, elle regarda son bras et l'attrapa avec vivacité, tout en poursuivant :

- Arrête. Rends-moi mon argent, coquin… Ah ! C’est moi. Mon esprit est troublé, et j’ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais...

Elle se tut et observa Kurt. Elle se pencha en avant et fit un salut bien bas. Elle ria et reprit la parole par la suite pour expliquer son excès de zèle :

- J'ai vu une pièce de théâtre durant l'été, et du coup, j'ai tellement aimé que j'en ai appris quelques extraits...

Elle lui offrit un autre sourire, et se rassit en tailleur en face de lui.